Ces petites phrases pas si anodines :
- - Mange ta soupe, sinon le loup viendra te manger
- - Si tu le dis à maman, je t’arrache les yeux
- - Si tu ne viens pas de suite, maman te laisse ici
- - Quand on est une petite fille bien élevée, on ne
répond pas
- - Met ton manteau, j’ai froid !
Il n’y a bien sûr pas que les phrases, mais également les
comportements :
- - Le regard de tristesse de votre mère lorsque
vous la laissiez seule.
- - Ce père qui pince les seins de sa fille en
riant.
- - Cette mère qui lance un regard accusateur à son
fils qui a fait pipi au lit.
- - Cet oncle qui met son doigt sur sa bouche après
vous avoir abusé
- - Cette maîtresse qui vous tire les cheveux
lorsque vous parlez en classe
- - Cette grand-mère avec du poil au menton qu'on vous oblige à embrasser
Tous
ces moments qui paraissent souvent anodins aux yeux d’un grand nombre d’adultes
ont souvent eu un impact important dans la vie des enfants et par voie de
conséquences sur les adultes qu’ils sont devenus.
Ces
comportements et ces phrases sont venus se loger dans nos états du moi comme
des souvenirs, des croyances, des fantasmes qui colorent nos comportements
d’aujourd’hui.
Lorsqu’un
enfant entend : « Berthe aux grands pieds », il peut
entendre : tu as de grands pieds et ce n’est pas OK, tes pieds sont
moches, tu es moche, tu es différent(e) et ce n’est pas bien… Ce message va se
loger dans son état du moi Parent (P1 le plus souvent).
Ce
n’est pas le message qui pose le plus de problèmes
parfois, mais ce que comprend l’enfant.
Pour
faire face au sentiment qu’il ressent, il va parfois prendre des décisions
importantes : puisque c’est comme ça :
- - Je ne dirais plus rien
- - Je resterais petit
- - Je ne pleurerais plus jamais devant quelqu’un
- - Je ne ressentirais plus de plaisir
- - Je les ferais souffrir
- - Je ne marierais jamais
- - Je n’aurais jamais d’enfant
Ces
décisions vont colorer les idées, les fantasmes, les émotions et les comportements
de l’enfant, de l’adolescent et ce que va faire l’adulte de sa vie. Souvent
devenues inconscientes à l’âge adulte, les grandes personnes ne soupçonnent pas
que ce qui se passe dans leur vie est très dépendant des décisions qu’ils ont
prises enfants et que ce qui leur arrive dépend grandement d’eux-mêmes.
C’est
un difficile moment que de constater que nous sommes là où nous avions décidé d’aller
enfant en réaction à ces phrases et ces comportements qui nous ont marqués. Il
est également souvent difficile pour beaucoup de personnes d’en vouloir à leur
parent, parce qu’au fond, l’Enfant sait que c’est lui et lui seul qui a engagé
la décision.
« Je ne peux pas leur en vouloir, ils ont fait ce qu’ils
ont pu »
« Vous savez à l’époque, c’était comme ça »
« Ma pauvre mère a tellement souffert… »
Rappelons
quand même aux petits enfants des grandes personnes que nous sommes devenues,
ou plus précisément à notre enfant intérieur, que ce n’est pas parce qu’on vous
marche involontairement sur le pied qu’il faut serrer les dents en laissant son
pied sous celui de l’autre ! Sauf si cette grande personne répond encore à
un vieux message parental qu’elle a compris comme : Sois fort(e), Ne
ressens pas, Ne dis pas ce que tu sens, Ne dérange pas, Fais des efforts…
Les
grandes personnes ont des droits et des devoirs et les enfants également. Hélas,
ces droits et ces devoirs sont si vagues que chacun peut les interpréter à sa
manière :
- - Une bonne claque n’a jamais fait de mal à
personne
- - Oh, mais, c’est elle qui a voulu se déshabiller
devant moi
- - Il ne faut pas gâcher la nourriture
- - J’assure sa sécurité ! C’est pour cela
qu’elle ne sortira jamais dehors
- - Je ne vois pas en quoi dormir avec ma fille de
10 ans est un problème !
- - La vie est dure, il fallait bien que mon père
m’apprenne à me défendre…
Et
vous, que vous disaient ou que faisaient vos parents quand vous étiez petits ou
petites ? Qu’en avez-vous compris ? Et qu’en avez-vous conclu ? (Si vous souhaitez partager : c'est ici)
Exemple
de Jeanne X : Quand j’étais petit papa me disait : dans la vie, on ne
peut compter que sur soi. J’ai compris : sois-fort. J’en ai conclu qu’il fallait
se débrouiller seul. Depuis, je ne demande rien à personne ! L’inconvénient,
c’est que du coup, je suis très seul !
La
bonne nouvelle, c’est que ces croyances et ces décisions sont toujours
modifiables. En refusant par exemple de croire : le loup a bien autre
chose à faire que me manger ! Et si vous êtes parent, il est toujours
possible de revenir sur ce que vous avez dit : Tu sais quand je t’ai dit l’autre
jour que le loup viendrait te manger. Je l’ai dit parce que j’étais en colère
et ce n’est pas bien parce que j’aurais dû te dire : je me sens en colère
d’avoir passé du temps à faire cette soupe et quand tu ne la finis pas j’imagine
que c’est parce que tu ne l’aimes pas et alors je me dis que tu ne m’aimes pas,
mais en vérité je ne suis pas cette soupe n’est-ce pas ?! Je t’aime
que tu manges ta soupe ou pas, que tu sois en colère ou pas ! Et tu as
tout à fait le droit de ne plus avoir faim ou de ne pas aimer ma soupe. Et
puis, tu sais, en vérité, les loups ne mangent pas les enfants. Jamais !
Jamais ! Que tu finisses ta soupe ou pas…
Remettre
en cause ses croyances, c’est être prêt à accepter que la vie change. Comme
pour tout changement, quand la vie devient belle par exemple, une phase de
deuil s’engage et nous nous sentons parfois tristes ou en colère et cela est
tout à fait « normal ». Certaines personnes préfèrent éviter cela
parce que cela leur paraît trop difficile ou
interdit : c’est la vie ! Pourtant, c’est en faisant le deuil
que l’on peut s’ouvrir à ce que l’on attend vraiment. La vie parfois nous fait
des cadeaux simplement parce que nous étions prêts à les recevoir.
Texte : KarineDanan
Illustration : Magaly Chazot-Ghanem
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire