dimanche 8 mars 2020

La capacité d'etre seul - Donald W. Winnicott - Notes et explications

Notes & explications sur un extrait de La capacité d’être seul – page 18-19-20

Winnicott, Donald W., La capacité d’être seul, Petite bibliothèque Payot, éd. 2015, extrait De la pédiatrie à la psychanalyse, 2e éd., Paris, Payot, 1989. 

La capacité d’être seul qui est traité ici est cette capacité de solitude, de liberté de « s’isoler sans s’enfermer ». Capacité d’être seul qui permet dans la relation d’être là avec soi et avec l’autre, libéré de la dépendance ou de l’empiètement de l’environnement (émotions des autres, bruits, humeurs, critiques…). « Selon Winnicott, l’enfant qui n’a pas acquis la capacité d’être seul – court le risque de s’isoler pathologiquement ou de développer une personnalité en faux-self (préface écrite par Catherine Audibert, psychologue et psychanalyste, auteure de L’incapacité d’être seul). 


Pourquoi l’enfant ne réussi pas à développer cette capacité d’être seul (avec) ? 

Voici quelques témoignages qui peuvent répondre de manière concrète à cette question. 

« Maman était dépressive, j’avais toujours l’impression de voir le néant dans son regard, comme c’est le néant en moi », « Ma mère a toujours été envahissante, pour mon bien selon elle, mais elle ne comprenait pas qu’elle atteignait mon intégrité », « Je crois que mes parents me laissaient pleurer des heures parce que je n’étais pas leur priorité, j’étais comme un poupon que l’on peut laisser sans manger », « ma mère me gavait comme on gave une oie. Je crois que ça explique pourquoi je ne sais jamais si j’ai faim ». 

D’un point de vue plus global, on peut dire que l’enfant n’a pas trouvé de réponse à ses propres besoins. Il a manqué de cette adaptation maternelle à ses besoins. Dans les cas les plus graves, il a pu rester sans regard, sans contact, sans nourriture affective, sans soin (excès de carences). Dans l’étude de René Spitz dans les années 40 des enfants en po, il montre comment l’enfant peut en arriver à se laisser mourir du manque d’investissement des « objets externes ». La mère, n’est pour le tout petit pas vraiment encore objet externe, mais objet interne, voir pas encore objet puisque faisant partie de lui au tout début de la vie. (L’objet peut être défini comme cette personne perçue comme distincte de moi, qui n’est pas la personne elle-même réelle , elle st ma représentation d’elle-même.) Dans cette situation l’enfant ne peut « faire l’expérience de sa vie personnelle ». 

Il est à noter, que la mère n’a pas nécessairement cette perception de ne pas répondre au besoins de l’enfant : « j’ai suivi le guide de l’enfant que j’ai acheté, je ne comprends pas ! », « ma mère a fait comme ça avec moi, donc je ne vois pas le problème », « je suis sa mère, je sais ce qui est bon pour lui »… Dans tous les cas, la mère pense faire au mieux, mais dans tout ces cas, elle fait en fonction d’elle et non de l’enfant lui-même. Qu’il est compliqué d’être mère !

Comment bébé réussi t-il a survivre ? 

Certains carences ne viennent pas du manque de nourriture ou de contact, mais du manque de stimulation. La mère au regard vie due à la dépression, ne permet pas à l’enfant de se refléter comme objet lui-même de la mère. Il ne voit dans ses yeux que le néant, néant qu’il intègre comme part de lui-même, dangereux, comme un gouffre qui l’aspire dans la dépression de la mère. Les bébé les plus vifs vont peut-être « prendre en charge l’humeur de la mère pour tenter de la rendre plus joyeuse et vivante » . 

Il peut également s’agir d’une maman qui a face à elle un bébé communicant, actif, ouvert, sensible, ayant besoin de beaucoup de soin, demandant beaucoup de contact ou de stimulation, ou encore un bébé qui parait autonome... Beaucoup par rapport à ce que la mère peut donner à ce moment là parce qu’elle est fatiguée, déprimée, surchargée, psychologiquement préoccupée… Les besoins et les manifestations de l’enfant vont lui paraître « trop ». « Il est trop exigeant, demandeur, vif… ». La mère face à « ces pulsions d’amour » se sent déstabilisée peut-être par ce qu’elle ne s’attendait pas à ça : « moi je croyais qu’un bébé ça mangeait et ça dormait, je n’avais pas imaginé qu’il me demanderait autant d’attention au début ! ». Alors la mère, déstabilisée, perdue, mal préparée, « répond de façon inappropriée » sans le vouloir. Elle peut devenir agressive avec ce bébé, excessive ou encore dévorante, intrusive ou abandonnante, absente. Tout est fonction de sa propre histoire et de ses possibilités. 
Le bébé n’a d’autre choix, s’il veut survivre, à s’adapter aux exigence de son environnement. Et le bébé est très doué pour cela. 

Une façon d’exister dans un monde hostile, négligeant, intrusif, insuffisant est de de se replier, s’isoler à l’intérieur de soi. De l’extérieur, il peut sembler complètement « adapté » au monde, c’est parce qu’il a réussi à développer un autre lui, un faux lui qu’on appelle le faux-soi ou faux-self. Parce qu’il lui ait impossible de montrer le vrai à cause du risque d’anéantissement qu’il imagine. Cette défense, ce mode d’adaptation, permet de protéger la part authentique, vrai du soi (le vrai self) qui se sent ou s’est senti menacé. Plus l’environnement a été, est et sera menaçant plus « la défense qui consiste à dissimuler » le soi secret, le vrai soi peut aller jusqu’à sa projection ou sa dissémination. 

De quoi a besoin le petit humain ? 

Demandez le lui, il vous répondra ! Quelque soit la traduction à apporter aux pleurs, au regard, aux mouvements de bébé, celui-ci a besoin d’un « environnement facilitant, simplifié par la mère, pour se développer et être assuré d’une continuité d’existence ». 

Je suis une maman, j’ai peur d’être une mauvaise mère, que puis-je faire ? 

Winnicott insiste sur le fait qu’une mère parfaite, n’est pas une bonne mère. Plutôt pas uniquement une bonne mère. Elle est à la fois frustrante et répondante. A moins d’avoir un traducteur des moindres mouvements internes et externes, conscients et inconscients de l’être humain, qu’il soit bébé ou adulte, il est impossible et non recommandé de répondre à tous ses besoins dès qu’il en a besoin. C’est l’erreur que beaucoup de maman font parce qu’elles cherchent à bien faire. Pour nous développer, nous avons besoin de répondre à nos besoins, mais pour que le besoin existe, il est nécessaire qu’il existe un lieu « sans », un manque ou une certaine frustration. Adaptée à la capacité psychique de l’enfant ou de l’adulte. L’enfant, l’adulte, va alors développer « son système immunitaire », ce qu’on appelle en psychologie le système défensif. Winnicott dans ce passage montre l’intérêt de ce système, c’est « le signe que l’enfant peut espérer conserver une individualité »

Comment différencier la pathologie du développement « normal » ?
 
Dans la pathologie, le système défensif se rigidifie. Le faux-self est « une mesure de protection, une stratégie de conformité, pour protéger le vrai self ». Nous avons tous un peu de faux-self et c’est protecteur. A l’école, au travail, dans la rue, dans de nouvelles situations, nous montrons une part de nous qui tente de s’adapter à l’environnement. Mais certaines personnes s’oublient jusqu’à ne plus exister en tant qu’elles-mêmes. Dans les cas les plus graves, elles s’interdisent d’être, de faire, d’aller, de dire non, d’aimer, de savoir, d’exister ….

Quelles sont les conséquences de l’incapacité d’être seul ?

Cela peut générer « chez certains des angoisses terrifiantes, proches de ce que Winnicott nomme « les agonies primitives » (ou « angoisses impensables »), c’est-à-dire les sensations archaïques de se morceler, de ne pas cesser de tomber, de ne pas avoir de relation avec son corps, de ne pas avoir d’orientation, d’être isolé complètement parce qu’il n’y a aucun moyen de communication. L’absence comme la présence de l’autre semblent produire sur ces sujets et en eux une sorte d’excès toxique qu’ils ne peuvent contenir et qui les déborde. Deux types de besoin s’imposent alors à eux : celui de la dépendance (où la solitude est exclue) et celui du repli (où l’isolement est un refuge) » p.23.

Petite  note supplémentaire pour réfléchir

« Sur la page de garde elle avait écrit : « Mon livre intime », et sur la première page : « Ce qu’un homme pense au profond de son cœur, tel il est. » Sa mère lui avait demandé : « Où as-tu trouvé cette pensée ? » C’était mal parce que cela voulait dire que la mère avait lu son ivre. Tout aurait été bien si elle l’avait lu, mais sans en parler. Nous avons là l’image d’un enfant établissant un self intime qui ne communique pas et qui, en même temps, désire communiquer et être trouvé. C’est un jeu élaboré de cache-cache dans lequel se cacher est un plaisir, mais n’être pas trouvé est une catastrophe ».p.89
 

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